Programme Fondation de France

Interdépendances Hommes-Nature : analyse DYnamique des changements d’usages COnchylicoles sur le Fonctionnement des Ecosystèmes Littoraux

2015-2018

Les territoires littoraux français sont des espaces emblématiques des questionnements sur les relations entre les sociétés et leur environnement naturel. Zones d’intérêts écologiques, socio-économiques ou encore culturels et patrimoniaux, ils font l’objet de constantes évolutions à différentes échelles spatio-temporelles en lien avec des pressions d’origines multiples. A partir d’une étude de cas (bassin de Marennes-Oléron en Charente-Maritime) interrogeant les effets des changements d’usages conchylicoles sur le fonctionnement des écosystèmes littoraux, ce projet vise à établir une démarche de recherche innovante et transdisciplinaire pour caractériser les interdépendances Homme-Nature en milieu littoral. Les connaissances en écologie et écophysiologie accumulées au cours des trente dernières années sur la zone d’étude retenue ont démontré le rôle majeur de cet écosystème dans la production des ressources trophiques (les microalgues) à la base du développement considérable de l’activité conchylicole. Toutefois, la mise à jour d’une relation entre le fonctionnement d’un compartiment de l’écosystème et le développement de la conchyliculture n’est qu’une étape dans la compréhension des interactions entre l’Homme et son milieu. L’hypothèse à la base de ce projet consiste à envisager l’existence d’effets de rétroaction entre les pratiques conchylicoles mises en œuvre sur le bassin de Marennes-Oléron et la production de microalgues dans le milieu. Nous posons cette hypothèse dans une perspective dynamique, dans le but : i) de prendre en considération les évolutions des pratiques conchylicoles depuis l’avènement de la conchyliculture moderne dans les années 1950, en lien avec les transformations de la filière économique et les spécificités territoriales ; ii) d’interroger les incidences de ces évolutions du point de vue de l’emprise spatiale et des usages de la zone littorale par les conchyliculteurs (techniques d’élevage, chargement des parcs ostréicoles, etc.) ; iii) de mettre en relation ces changements de pratiques avec des évolutions de quantités et de production de microalgues observées par images satellitaires au cours des trente dernières années. Cette approche visant à comprendre l’évolution de l’écosystème littoral à travers l’étude des dynamiques spatio-temporelles de la conchyliculture représente une véritable originalité scientifique. Afin d’articuler les différentes dimensions du système étudié, elle s’appuie sur les apports de plusieurs disciplines : économie, géographie, histoire, écologie, écophysiologie. Elle s’appuie également sur différents acteurs, autres que les chercheurs, tels que les gestionnaires locaux et les professionnels de la conchyliculture. Ces derniers sont particulièrement impliqués dans le processus. Sur le plan scientifique, ce projet s’entend nourrir les réflexions en cours sur les rapports Homme-Nature en insistant sur les dimensions de coévolution. Sur le plan empirique, les résultats attendus devraient alimenter les dispositifs de gouvernance du territoire, en particulier les dispositifs dédiés à la conchyliculture en quête de lectures dynamiques des effets exercés par la profession sur les ressources naturelles.

Les territoires littoraux sont des espaces emblématiques des questionnements sur les relations entre les sociétés et leur environnement naturel. Ils sont en constante évolution, à différentes échelles spatio-temporelles, en lien avec des pressions d’origines naturelles ou anthropiques. Dans ce cadre évolutif, la nécessité d’articuler des enjeux en termes de préservation de l’environnement, de maintien ou de déploiement des activités économiques, de gestion de l’attractivité résidentielle et de l’urbanisation croissante, de régulation des inégalités environnementales, implique de prendre en compte des interactions plurielles et renforce l’intérêt de porter attention à ces espaces dans une perspective pluridisciplinaire. Cette dernière se révèle essentielle pour approcher la complexité des processus à l’œuvre. Dès lors, la compréhension des interdépendances Homme-Nature ne peut s’envisager qu’à partir d’une connaissance très fine, d’une part du fonctionnement des écosystèmes et des services rendus ou susceptibles d’être rendus par ceux-ci aux sociétés, d’autre part des pressions exercées par les sociétés sur l’écosystème, enfin des dynamiques de coévolution. La mise à jour de ces liens de réciprocité doit permettre : i) d’accompagner les choix d’orientations visant à un équilibre raisonné entre les usages et le potentiel de l’écosystème ; ii) d’anticiper l’impact des risques environnementaux et anthropiques sur les pertes potentielles de services écosystémiques pour les sociétés concernées. 
Le présent projet s’entend participer à ce défi sociétal et scientifique d’envergure, en s’intéressant à l’un des territoires littoraux représentatifs, au niveau national, des enjeux complexes précédemment évoqués : le bassin de Marennes-Oléron (Charente-Maritime). Fortement anthropisé, le bassin de Marennes-Oléron concentre de nombreuses activités plus ou moins complémentaires ou conflictuelles, parmi lesquelles l’agriculture, la pêche professionnelle et récréative, le tourisme, la plaisance, les activités résidentielles et la conchyliculture. Cette dernière fait figure d’activité structurante à plusieurs titres. Avec un chiffre d’affaires estimé à plus de 300 millions d’euros, la conchyliculture est un acteur phare du dynamisme économique local. La Charente-Maritime est en effet le premier pôle conchylicole français en termes de surface et d’emplois (Girard et al., 2009). Elle accueille le plus grand nombre d’entreprises conchylicoles en France (le tiers de l’ensemble des entreprises conchylicoles nationales), dont 80% sont localisées dans le bassin de Marennes-Oléron. En outre, ce territoire est le premier pôle de commercialisation européen de l’huître creuse. L’ostréiculture est d’ailleurs l’activité largement dominante puisqu’elle concerne 90% des exploitations conchylicoles charentaises (CRC Poitou-Charentes, 2012). Les raisons de cette importance sont en partie historiques, l’exploitation réglementée des huîtres et la structuration de l’activité sur ce territoire remontant au 18ème siècle. Elles sont également liées à la pratique très particulière de l’affinage en claires qui a donné lieu à l’obtention de l’Indication Géographique Protégée « Marennes-Oléron » et de deux « Labels Rouges » assurant la notoriété de la production ostréicole au niveau national et international, et renforçant les dimensions patrimoniales et identitaires associées à la conchyliculture (Bérard et al., 2008). 
Néanmoins, les éléments évoqués ci-dessus ne suffisent pas pour comprendre le succès de la conchyliculture charentaise. Celui-ci tient également aux caractéristiques physico-chimiques et biologiques du bassin de Marennes-Oléron. L’importance de la production conchylicole est étroitement liée à la très forte productivité des ressources trophiques, notamment des producteurs primaires microscopiques que sont les microalgues benthiques (qui se développent à la surface du sédiment). Les travaux menés sur cet écosystème au cours des trente dernières années ont démontré que ces microalgues constituent la moitié de la ressource trophique des huîtres (Riera & Richard, 1996). Les microalgues benthiques jouent donc un rôle fondamental dans le développement des filières conchylicoles sur les littoraux européens et a fortiori français. 
La production de microalgues est considérablement élevée en raison :

  • i) de la taille très fines des particules du sédiment (i.e. vases), et de ses paramètres abiotiques (pénétration de la lumière, teneur en sels nutritifs, etc.) ; 
  • ii) de la capacité de déplacement des microalgues à la surface du sédiment (formation d’un biofilm) leur permettant d’emmagasiner l’énergie nécessaire à leur production (photosynthèse) ; 
  • iii) et de leur remise en suspension régulière par les marées. La remise en suspension à chaque marée montante d’une partie du biofilm libère de l’espace pour le développement de nouvelles microalgues lors de la marée basse suivante et ainsi de suite. Ce phénomène est à l’origine de la stimulation renouvelée et continue de la production des microalgues, faisant ainsi des vasières littorales l’un des habitats les plus productifs de la planète.

Si les connaissances en écologie ont montré le rôle majeur des vasières via la production de microalgues pour le développement de l’activité conchylicole, la mise à jour d’une relation entre le fonctionnement d’un compartiment de l’écosystème et le développement de la conchyliculture n’est toutefois qu’une étape dans la compréhension des interactions entre l’Homme et son milieu. Ce projet vise à déterminer les effets de rétroaction entre les pratiques conchylicoles et la production de microalgues. En effet, les coquillages en tant qu’organismes, mais aussi les pratiques des conchyliculteurs peuvent affecter la production des microalgues. Or, les connaissances restent encore très limitées sur ces potentiels effets de rétroaction sur la production et la disponibilité des ressources trophiques. A cet égard, ce projet présente une véritable originalité.
L’originalité de ce projet repose également sur l’élaboration d’une démarche transdisciplinaire impliquant économistes, géographes, historiens, écologues et écophysiologistes. 
Elle tient enfin au développement d’une approche dynamique. Le traitement récent d’images satellitaires du bassin de Marennes-Oléron a permis d’établir des cartographies de biomasses de microalgues benthiques. Ces cartes rendent compte de variations importantes sur la zone d’étude entre 1995 et 2012. 
Si l’on doit considérer ces premières analyses avec prudence, du fait notamment d’une certaine variabilité journalière et saisonnière liée aux facteurs environnementaux, il semble intéressant de comprendre les raisons de ces changements. Pour cela, il convient :

  1. de prendre en considération les évolutions des pratiques conchylicoles depuis l’avènement de la conchyliculture moderne dans les années 1950, en lien avec les transformations de la filière économique et les spécificités territoriales tenant à la variété des acteurs présents sur la zone côtière ; 
  2. d’interroger les incidences de ces évolutions au niveau spatial en termes d’usage du littoral ; 
  3. et de mettre en relation ces changements de pratiques avec des évolutions de biomasse et de production de microalgues observées par images satellitaires au cours des trente dernières années. 

La finalité de ce projet est de caractériser l’influence des dynamiques spatio-temporelles de l’activité conchylicole sur la quantité et la production des microalgues benthiques, dont on le sait, une partie est utilisée par les coquillages. L’étude de ces interactions dynamiques, envisagée comme une étape supplémentaire dans l’analyse plus large des interdépendances Homme-Nature dans le bassin de Marennes-Oléron, est nécessaire pour être en mesure de déterminer la part des évolutions de ressources trophiques due aux changements de pratiques des conchyliculteurs. De cette manière il sera possible de comparer celle-ci à la part des évolutions liées aux changements engendrés par les variations des paramètres environnementaux (i.e. lumière, température, taille des particules sédimentaires). 
Le projet sera construit en trois axes interdépendants, bien que comportant chacun des objectifs propres : 

  • Un premier axe visant à mieux comprendre les évolutions des usages conchylicoles dans la baie de Marennes-Oléron. L’analyse sera réalisée à l’échelle des trente dernières années, période au cours de laquelle la filière conchylicole a connu de nombreuses crises. 
  • Un second axe visant à définir les variations de la quantité de ressource trophique (microalgues) disponibles dans le temps et dans l’espace au cours de la même période. Cet axe s’attachera à déterminer le lien entre ces changements et les paramètres environnementaux, sur les plans intra- et interannuels. 
  • Un troisième axe ayant pour objectif de croiser les résultats obtenus dans les deux premiers axes. L’identification de l’effet des pratiques conchylicoles sur la disponibilité des microalgues permettra de définir des recommandations visant à favoriser une rétroaction positive de la conchyliculture sur la disponibilité des ressources trophiques.
  • ART-Dev Acteurs, Ressources et Territoires dans le Développement
    UMR 5281 CNRS – Univ. Montpellier 3 – CIRAD – Univ. Montpellier 
    - Audrey Rivaud, MCF (responsable du projet), Economiste
    Environnement, coordination autour des ressources communes, conflits d’usage

CRiHAM Centre de Recherche Interdisciplinaire, Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie, EA 4270, Univ. Poitiers
- Thierry Sauzeau, MCF HDR Historien 
Histoire des sociétés littorales des Pertuis charentais, conflits pêche/ostréiculture

LIENSs Littoral, Environnement et Sociétés, UMR 7266 Univ. La Rochelle - CNRS
- Johann Lavaud, CR CNRS Ecophysiologiste 
Ecophysiologie et biodiversité des microalgues marines/production primaire littorale 
- Benoit Lebreton, MCF Chaire CNRS Ecologue 
Structure et fonctionnement des réseaux trophiques littoraux, flux de matière
- Nicolas Bécu, CR CNRS Géographe
Gestion participative des ressources naturelles, modélisation d’accompagnement

IFREMER Institut Français de Recherche sur l’exploitation de la Mer
- Jean Prou, Directeur de la station IFREMER de La Tremblade Sciences de l’environnement
Capacité trophique des écosystèmes conchylicoles, gestion de l’eau, intégration des savoirs empiriques et scientifiques dans la gouvernance de la 

MMS Mer, Molécules, Santé, EA 2160 Univ. Nantesr
- Vona Méléder, MCF Ecologue 
Ecologie et biodiversité des microalgues, cartographie par télédétection satellitaire
- Pierre Gernez, MCF Ecologue
Ecosystèmes côtiers et estuariens, télédétection de la couleur de l’océan
- Bruno Jesus, MCF Ecophysiologiste
Ecophysiologie du microphytobenthos
- Laurent Barillé, PR Ecologuer
Ecologie des huîtres, production ostréicole

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