ROCC ALTER

ROCC ALTER

2022-2024
Territorialiser les ALTERnatives dans les territoires fragiles de la Région OCCitanie

L’Occitanie a l’image d’une région attractive. Les indicateurs démographiques (solde migratoire très positif) et économiques (fleurons industriels, formes d’agriculture prospère) en attestent, le tout avec en arrière-plan un cadre de vie de qualité (climat, verdure, mer, etc). Pourtant, la réalité s’avère plus contrastée : 63 des 215 bassins de vie de la région perdent des habitants depuis les années 1960 (Insee Analyses Occitanie n°93, juin 2020) et un tiers des zones d’emploi en Occitanie appartiennent à la catégorie « en déclin » (Insee Analyses Occitanie n°96, septembre 2020). Ainsi, les success stories de Toulouse et Montpellier masquent de plus en plus difficilement la multiplication d’autres types de trajectoires, nettement moins célébrées : celles des zones rurales et montagneuses dépeuplées, des petits bassins industriels en difficultés et des cœurs de ville décrépis. C’est précisément sur ces territoires connaissant un déclin à bas bruit dans une région dynamique que le projet ROCC ALTER propose de focaliser l’attention. Certes, le déclin n’y est pas aussi spectaculaire que dans les grandes régions industrielles en crise du Nord-Est de la France, de l’Angleterre ou d’Allemagne, qui ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche depuis une vingtaine d’années. Il n’en est pour autant pas moins réel : peu présent encore dans le débat public, et véritable angle mort de la recherche, c’est justement ce type de territoire fragile que le projet ROCC ALTER vise à analyser.

Ces territoires occitans s’inscrivent dans la trajectoire plus générale de territoires cumulant des indicateurs inquiétants : niveaux élevés de pauvreté et de ségrégation, présence de friches industrielles et commerciales, abandon des activités agricoles, vacance des logements, etc. A ce titre, ils pourraient être qualifiés de « laissés-pour-compte », non pas tant en raison de l’abandon des échelles supérieures de gouvernement – en France, le niveau de services publics reste relativement important — mais davantage parce que l’affaiblissement des régulations politiques confère aujourd’hui un rôle déterminant aux logiques individuelles et marchandes. Or, celles-ci tendent à concentrer, davantage qu’à répartir, les individus et les richesses. L’absence de perspective de redéveloppement explique pourquoi ces territoires « laissés-pour-compte » sont de plus en plus évoqués pour exemplifier la montée actuelle du populisme et, plus généralement, du ressentiment1. Cette absence de perspective de redéveloppement s’explique souvent par une forme de déni initial du problème et une lutte conséquente pour sa reconnaissance. D’où, par exemple, la multiplication actuelle des vocables brandis tour à tour par les chercheurs, les praticiens et les élus pour qualifier ces territoires (« fragiles » ou « en déclin », « périphériques » ou « laissés-pour-compte », « décroissants » ou « vulnérables » etc.)2. Cette difficulté à reconnaître la nature du problème résulte de, et nourrit en retour, une profonde méconnaissance des ressources propres aux territoires en déclin et aux dynamiques émergeant dans ces territoires. Pourtant dans l'ensemble, et notamment au cours de la dernière décennie, la recherche internationale s’est montrée très dynamique pour expliquer les facteurs à l’œuvre : l’exode rural, la métropolisation, la globalisation (et la restructuration conséquente de la division internationale du travail) ou encore la périurbanisation expliquent à la fois la diffusion et l’accélération du déclin à de nouveaux territoires (campagnes enclavées, bassins d’emplois industriels, et désormais villes de service). Mais ces travaux restent généralement focalisés sur des cas spectaculaires (le Michigan, l’ex-Allemagne de l’Est voire le Bassin minier des Hauts-de-France) et ne s’intéressent que peu au déclin ordinaire, celui des petits bassins industriels isolés, des vallées montagnardes enclavées etc., qui constituent pourtant une part importante d’une région telle qu’Occitanie. Par ailleurs, un nombre croissant de travaux de recherche mettent l’accent sur l’inadaptation des stratégies de redéveloppement aux spécificités de ces territoires. Dans l’ensemble, ces stratégies s’appuient sur des politiques d'attractivité dupliquées des territoires métropolitains, mais dont l’efficacité semble douteuse dans des territoires répulsifs pour les investisseurs et plus généralement pour les cibles traditionnelles des stratégies d’attractivité, qu’il s’agisse des classes moyennes, des touristes, des étudiants, etc. (Rousseau, 2011 ; Delage, 2013)3. Au-delà des indicateurs et des grandes tendances déjà évoquées, l’action publique territoriale apparaît finalement démunie dans la compréhension des dynamiques propres à ces territoires. Il est vrai qu’en France, la recherche sur les territoires “laissés-pour-compte” se consacre avant tout aux territoires les plus précocement concernés par le déclin : Hauts-de-France et Grand Est (projet ANR ALTERGROWTH, 2014-2018). En ce qui concerne le Sud de la France, si quelques monographies (thèses de doctorat en cours) viennent d’être lancées, l’information sur le déclin territorial occitan reste lacunaire. Ses spécificités sont par ailleurs insuffisamment connues, par manque de recherches comparatives d’envergure. Or, le déclin en Occitanie, et les représentations qu’il véhicule, ne peuvent être analysées qu’au prisme d’une mise en regard nationale et internationale des dynamiques de déclin. Fournir une meilleure compréhension des dynamiques différenciées de déclin territorial en Occitanie par une méthode mixte associant analyses quantitatives (reposant notamment sur la prise en compte croisée d’indicateurs démographiques et économiques) et analyses qualitatives des dynamiques susceptibles de renforcer l’efficacité de l’action publique : tel est précisément ce que propose le projet ROCC ALTER.

 

 

ART-Dev, CIRAD, Université de Perpignan Via-Domitia, Université de Strasbourg, MSH-SUD.
MSH-Sud, Région Occitanie.
Coordonné par Aurélie Delage (UPVD) et Max Rousseau (CIRAD)